Achille Vertunni

” Le comte ” : Achille Vertunni était connu sous ce surnom, ” pour la noblesse de son origine, l’élégance de sa personne, de ses manières, de ses vêtements ” (Levi 1906, p. 41), même pendant ses années d’études à Naples. Après s’être installé à Rome en 1853, il se consacre principalement aux paysages, développant un style très réussi. Il fut l’un des premiers à réaliser le potentiel des sujets de la campagne romaine, à laquelle il dut une grande partie de sa fortune commerciale.

À l’Exposition nationale de Florence en 1861, en plein débat critique sur la réalisation d’un langage artistique unifié, il présente Campagna romana, paesaggio et Veduta delle paludi pontine (Naples, Palazzo della Prefettura), des œuvres qui révèlent son interprétation personnelle du védutisme international moderne, de Constable à Troyon. La formule romantique du paysage à perte de vue, dans lequel la nature sauvage est enveloppée d’un crépuscule chaleureux, a immédiatement séduit les collectionneurs étrangers.

” Tout le monde connaît son atelier et ses œuvres “, écrit l’architecte Raffaello Ojetti en 1872 : ” tous les étrangers qui se rendent à Rome pour en admirer la grandeur historique, religieuse et artistique, du modeste touriste au riche et puissant souverain, ne négligent pas de visiter le peintre paysagiste italien, et d’observer son atelier avec plaisir ” (Ojetti 1872, p. 84). La demande de nouveaux tableaux de la part des mécènes est si forte qu’il est encouragé à s’installer et à embaucher de jeunes assistants. Il investit alors une grande partie de ses revenus dans l’aménagement de son atelier, une sorte de Wunderkammer qui attire la curiosité des collectionneurs les plus raffinés des quatre coins du monde. L’atelier de Vertunni, via Margutta, a en effet été pendant longtemps l’épicentre de la mondanité capitoline la plus élégante, animée par des bals et des dîners avec des invités exceptionnels : parmi eux, même le général Ulysses S. Grant, ancien président des États-Unis d’Amérique, qui lui rendit visite en 1878. La même année, le ministère de l’éducation lui a demandé de rédiger un rapport sur la peinture italienne à l’exposition universelle de Paris.

Les œuvres qu’il réalise en Égypte, où il séjourne jusqu’en 1875, sont particulièrement appréciées. L’artiste y acquiert un grand nombre d’objets et de meubles pour son atelier, que le “Evening Post” de New York va jusqu’à décrire comme “plus un musée d’art qu’un atelier” (Evening Post 1878). En 1881, à l’apogée de sa carrière, toute sa collection est vendue aux enchères, pour des raisons qui restent obscures à ce jour (Querci 2012 et 2016). L’étoile de Vertunni s’est soudainement éteinte, le condamnant à un oubli long et immérité.

Manuel Carrera